lundi 11 juin 2007

Les canons de Westmount !

L’île de Khéros, en Grèce, eut deux gigantesques canons allemands qui défendaient le détroit de Navarone. Ce fut le sujet d’un film-culte, en 1961, avec, entre autres, David Niven, Grégory Peck et Anthony Quinn : Les canons de Navarone.
Westmount a aussi les siens – ô combien plus modestes et moins agressifs !
De l’avis des flâneurs, il est plutôt inusité de voir deux canons dans le parc public de Westmount, ville paisible à souhait, canons bien ancrés et enchaînés dans le sol, et perpétuellement pointés en direction de la rue Sherbrooke !
Sur l’île de Montréal, on trouve des dizaines de canons devenus inoffensifs mais cependant très décoratifs. La plus grande concentration de ces engins de guerre se retrouve sur l’île Sainte-Hélène.
Deux petits canons ornent encore la porte d’entrée principale de la caserne du régiment Les Fusiliers Mont-Royal, avenue des Pins. Dans le Vieux-Montréal, des tubes de canons fichés dans le sol encerclent la colonne Nelson. Enfin deux canons pointent leur gueule en direction du boulevard René-Lévesque, place du Canada, dans le centre-ville.
À la vérité, nos deux canons de Westmount n’ont jamais rien défendu dans la ville, lors de sa longue période d’autonomie, puis au moment de sa fusion, puis depuis sa reconstitution ! Ces canons ne défendent toujours rien, ne défendront jamais rien, et ne sont là que pour l’embellissement de l’agréable parc, peut-être aussi, pour rattacher le présent au passé.
La couronne murale des armoiries de la ville de Westmount ressemble à une forteresse, mais cette symbolique veut simplement rappeler que la ville est autonome et non pas une ancienne ville ceinte d’épaisses murailles, comme Québec l’est encore. Là-bas, de nombreux canons étaient prêts à toute agression ennemie ! La capitale de la Nouvelle-France en avait bien besoin. Rappelons que de 1628 à 1775, Québec a été attaquée à plusieurs reprises. Quatre fois par les Anglais et une dernière fois par les Américains
À Westmount, des générations de jeunes garçons usèrent leur fond de pantalon en escaladant nos canons. La gueule de ces deux canons est maintenant bourrée non pas de poudre noire mais d’objets hétéroclites introduits par les jeunes pour tester la profondeur des tubes…
Si ces deux canons sont authentiques, leur affût de bois – qui permet le pointage et le déplacement de la pièce à l’aide d’un attelage de chevaux – est de facture relativement récente. Malheureusement, le bois des affûts est détérioré par le temps.

Mais d’où viennent-ils ?
Ces deux canons d’acier forgé (à la fin du XVIIIe siècle, les canons étaient soit de cuivre, soit d’acier forgé) ont été fondus en 1810 et ont peut-être été utilisés lors de batailles contre les armées de Napoléon 1er !
Ces canons semblent être arrivés ici en 1815 et ont été installés dans le parc par la Westmount Lodge Sons of England dans les années 1890.
Si, à Westmount, leur utilisation ne fut jamais militaire, ils servirent au moins à rendre les honneurs en donnant des salves lors d’événements importants, notamment pour souligner les anniversaires de la reine Victoria.
Nos canons ont été officiellement décrits par la Royal Artillery Institution, à Woolwich (Angleterre). Ainsi donc, il se dit que ces pièces d’artillerie, au chargement par la gueule, utilisaient des boulets de 4 livres (environ 2 kilogrammes) et que ce type était régulièrement utilisé entre 1750 et 1860. La gueule a un diamètre de 11,5 centimètres.
En position d’utilisation sur le terrain, leur portée était de 1400 yards (environ 1275 mètres) sous un angle de 4 degrés. La bouche à feu (le tube) mesure 115 centimètres hors-tout, et la culasse possède un trou pour la mise à feu. Enfin, un dispositif à vis permet de régler l’angle de tir du canon.
Sur le tube, on retrouve deux médaillons chiffrés, surmontés de couronnes impériales anglaises, avec la devise : « Honni soit qui mal y pense ».
Ces frères jumeaux sont maintenant bien inoffensifs ! Et sans doute encore pour longtemps. Et des générations de jeunes garçons (et de jeunes filles !) les poliront encore en y usant leur pantalon (et leur robe !). Ces canons continueront d’orner les pelouses verdoyantes de notre parc de Westmount, asile de quiétude, havre de sérénité. Ils sont à voir.

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