samedi 9 janvier 2010

jeudi 4 octobre 2007

L'Hôtel de ville de Westmount : un château écossais !





L’hôtel de ville de Westmount (4333, rue Sherbrooke Ouest) est un très beau monument public qui s’élève dans un quartier uniquement résidentiel. En suivant la rue Sherbrooke en direction de l’Ouest, après l’avenue Greene, l’artère bifurque un peu vers la gauche, abandonnant l’ancien tracé du chemin amérindien de la Côte Saint-Antoine.
En 1874, la communauté locale s’était constituée en corporation sous le nom de « Village de Notre-Dame-de-Grâce ». En 1879, ce nom était transformé en « Village de Côte-Saint-Antoine ». En 1895, la communauté prenait alors le nom de « Ville de Westmount » changé, en 1908, en « City of Westmount ». Enfin, la désignation officielle en français de « Ville de Westmount » date de 1981.
Westmount est dirigée par un Conseil municipal composé d’un maire et de six conseillers élus qui administrent par l’intermédiaire d’un directeur général, non élu, qui est chargé des affaires courantes.
Dans l’histoire, de manière générale, « L'hôtel de ville » est un édifice dont l'apparition correspond au déclin du pouvoir seigneurial et à l'octroi de privilèges aux municipalités. C'est dans cet édifice, construit avec une certaine ostentation, où siège le gouvernement de la cité. Le beffroi ou la tour symbolise le pouvoir.
L’hôtel de ville de Westmount surgit devant vous, légèrement caché par le monument aux morts dont je parlerai une autre fois. L’hôtel de ville s’intègre parfaitement dans un ensemble dont la hauteur ne dépasse pas la hauteur des immeubles environnant plus anciens.
Tout comme le « Victoria Hall », cet édifice public est remarquable, situé sur un terrain de forme irrégulière.
Les architectes en sont le réputé Robert Findlay (1859-1951) et son fils Frank R. qui avait joint le Cabinet d’architectes de son auguste père en 1913.
Robert Findlay a beaucoup contribué à l’image architecturale de Westmount puisque nous lui devons non seulement ce « nouvel » hôtel de ville, la Bibliothèque publique (1898), mais aussi le premier Victoria Hall (1899), le pavillon du parc Murray (1936), et une trentaine de maisons bourgeoises de la municipalité.
Les travaux commencèrent le 19 juillet 1922 et la pierre d'angle inaugurale se trouve sur la droite de la porte d’entrée principale. Elle se lit « THIS·STONE·WAS·LAID / 14TH OCTOBER·A·D·1922 », et renferme des documents sur la municipalité. Elle fut posée par Son Honneur Peter William McLagan, maire de Westmount de 1919 à 1926.


Les architectes choisirent alors le style Tudor, pour le plus grand bonheur de tous. Robert Findlay se rappela sans doute des châteaux écossais médiévaux de son pays d’origine. Il choisit comme matériau la pierre calcaire grise brute pour l’ensemble de l’édifice, et la pierre calcaire pour les effets décoratifs. L’édifice a été construit par l’entrepreneur général Nicholson Construction Co.
L’hôtel de ville a été conçu pour loger les services municipaux et la salle de réunions du Conseil municipal. Il est constitué d’un édifice d’un seul tenant, avec une tour carrée en son centre. On y trouve donc le sous-sol, le rez-de-chaussée, et les combles.
Cette grosse tour carrée, avec une colonne octogonale à chaque angle, se terminant par autant de pinacles, sert de point central. À chaque extrémité de l’édifice se remarquent des avant-corps. La symétrie est parfaite. Trop parfaite !
Sur la façade côté pelouse de cette tour, au somment crénelé, se trouve une horloge d’environ 2 mètres de diamètre.
L’entrée de l’hôtel de ville se trouve au pied de la tour. Elle est précédée de deux magnifiques lampadaires signés « John Watson & Son of Montreal Ltd. », avec des fleurs de lis et des roses héraldiques. Juste au-dessus de la porte est ciselé « CITY HALL ». Quelques fenêtres, certes, mais petites par rapport aux surfaces totales des murs.
Avant d’entrer dans l’édifice, l’observateur découvrira, comme dans le drapeau de la ville de Montréal, les différents symboles héraldiques des peuples fondateurs : la fleur de lis, pour la France ; la rose, pour l’Angleterre ; le chardon, pour l’Écosse ; et le trèfle, pour l’Irlande. Aussi des feuilles d’érable. Aussi deux masques représentant Jean qui rit et Jean qui pleure.
L’édifice a été restauré en 1965. À l’intérieur, rien ne reste des aménagements d’origine.
Sur la pelouse qui se trouve devant l’Hôtel de ville, The Garden Point, flotte à un grand mât le drapeau de la municipalité qui a retrouvé son autonomie le 1er janvier 2005.
Beau, très beau quartier que celui de l’hôtel de ville. Tout près, se trouvent la magnifique église catholique de langue anglaise, l’église The Ascension of Our Lord, et de l’autre côté l’école élémentaire et secondaire The Selwyn House School, édifice érigé à l’origine pour y installer The Westmount Senior High School.
Vraiment, on se croirait sur le campus d’une des universités de The Ivy League, groupe de huit universités privées du nord-est des États-Unis. Le terme Ivy (« lierre ») faisant référence aux lierres qui poussent sur les murs des bâtiments de ces universités - ce qui symbolise leur ancienneté.
L’hôtel de ville de Westmount, lui aussi recouvert partiellement de lierre, ne se visite pas mais on peut toujours essayer de pousser la lourde porte de bois pour voir la salle du Conseil municipal et ses nombreux portraits des maires successifs qui tapissent les murs.

Westmount compte de nombreux édifices religieux :
· du culte adventiste : l’église Adventiste du Septième jour de Westmount ;
· du culte anglican : l’église St. Matthias, l’église St. Stephen, l’église de l’Avent ;
· du culte baptiste : l’église Baptiste de Westmount ;
· du culte catholique romain : l’église Saint-Léon de Westmount (francophone) et l’église de
L'Ascension de Notre Seigneur (anglophone) ;
· du culte de l’Église unie : l’église Dominion Douglas, l’église St. Andrew, l’église du Parc
Westmount ;
· du culte hébraïque : le temple Emanu-El-Beth Sholom et le temple de la congrégation
Shaar Hashomayim ;
· du culte luthérienne : l’église de la Rédemption ;
· du culte orthodoxe : l’église serbe orthodoxe ;
· du culte presbytérien : l’église Melville ; et
· du culte de la Science chrétienne : l’église First Church de Westmount.

L’un des monuments les plus surprenants de notre ville est l’église Baptiste de Westmount, au 411 de l’avenue Roslyn, juste au coin de la rue Sherbrooke (4657 Ouest).
L’édifice, d’un réalisme élégant, est imposant, avec le sens de la mesure. Il est d’inspiration Renaissance grecque.
L’ensemble se donne des airs ! L’architecte en est Sidney Comber qui, en 1922, avait déjà conçu l’église Baptiste, de l’avenue Bernard Ouest, à Outremont.
L’édifice de la rue Sherbrooke, en forme de cube, au parement de briques sombres, possède, dans sa façade symétrique, une seule grande porte d’entrée à deux battants, surmontée d’un mini-fronton. De la rue Sherbrooke, on accède à cette porte par un escalier en pierre de cinq degrés.
Le sommet du « cube » est souligné de deux ceintures superposées de pierre presque blanche.
La façade comporte plusieurs fenêtres, allongées et très étroites.
Sur chaque côté se retrouvent sept fenêtres très hautes et leur point culminant se termine par un arc en plein cintre où les clés de cintre en pierre sont saillantes. À la partie inférieure de la troisième fenêtre, de chaque côté, se trouve une porte d’entrée en pierre de taille sculptée.
Colonnes et fronton, sur la rue Sherbrooke, sont plaqués sur la façade. Les fûts de ces colonnes sont lisses, d’un diamètre qui va en se rétrécissant vers le sommet, composés de six blocs de même hauteur. Chacune des colonnes reposent sur un petit piédestal et les chapiteaux s’inspirent de l’ordre dorique. Pas de chapiteaux sophistiqués.
Ces quatre colonnes sont surmontées d’un fronton triangulaire au tympan lisse. Les trois corniches (horizontale et convergentes), possédant des moulures et des denticules, reposent sur un entablement de pierre de taille.
Admettons que ce genre d’architecture religieuse est plutôt insolite à Westmount par rapport aux autres édifices religieux qu’on y découvre. Bien sûr, pas de clocher, pas de beffroi. Et un toit plat.
La première pelletée de terre a été levée en 1924. La pelle argentée est pieusement conservée dans une armoire vitrée dans l’un des deux salons à l’entrée de l’église. Cette première pelletée a été faite en présence de l’ancien Premier ministre de Grande-Bretagne (1916-1922), le très honorable David Lloyd George (1863-1945), lui-même un ardent Baptiste.
On remarquera la première pierre d’angle, au niveau de la chaussée, à l’Ouest de l’église : « THE / WESTMOUNT BAPTIST / CHURCH / MCMXXIV » (1924). L’église a été consacrée le 7 octobre 1925.
L’intérieur est une vaste salle parallélépipédique fort bien éclairée, très haute de plafond, avec un balcon en amphithéâtre sur les trois côtés de l’édifice. Le mur du fond de la salle est tapissé d’un grand orgue à tuyaux en état de fonctionnement. Cet orgue, construit par le célèbre facteur québécois Casavant, compte 25 jeux, et a été construit à la mémoire des morts de la Première Guerre mondiale. L’intérieur est plutôt dépouillé, à l’exception de quelques écussons héraldiques accrochés à la base des balcons.
L’église vaut un arrêt, surtout le matin, lorsque les rayons du soleil viennent éclairer de plein fouet les hautes colonnes de pierre, aussi le soir, lorsque le soleil couchant vient projeter des ombres

mercredi 5 septembre 2007

Le "Victoria Hall" s'élève tel un chateau médiéval

Westmount a la particularité d’être une ville « dépaysante ». Aucune ville de l’île de Montréal ne possède un caractère architectural aussi distinct, aussi personnel, aussi « classe » que cette municipalité au passé prestigieux comptant un peu plus de 20 000 âmes se blottissant au pied de « La Petite Montagne », dans quatre kilomètres carrés de territoire.
Westmount est une parcelle de Grande-Bretagne en Amérique du Nord !
La ville se distingue non seulement par ses maisons cossues, ses propriétés châteauesques à tourelles, ses parcs, ses artères bordées d’arbres au volumineux bouquets, mais surtout par la beauté de ses édifices publics.
Parmi eux se trouvent le « Victoria Hall » (au 4626 de la rue Sherbrooke Ouest), l’hôtel de Ville, la Bibliothèque municipale.
Il n’est encore jamais venu à l’esprit de personne de traduire la désignation « Victoria Hall ». En anglais un « hall », dans l’acception qui nous intéresse, est un « édifice consacré aux affaires publiques dans lequel se tiennent des réunions ». C’est bien à cette définition que correspond notre « Victoria Hall ».

Il y eut un premier « Victoria Jubilee Hall »…
Un premier édifice fut érigé par le fameux architecte d’origine écossaise Robert Findley (1859-1951) et inauguré en 1898 dans un style architectural plutôt dépouillé appelé « Queen Ann » par les uns, « Richardson » par les autres. À la vérité, cet édifice n’était pas très beau. C’est ce même architecte qui a conçu l’hôtel de ville actuel, mais cette fois-ci dans le magnifique style Tudor.
L’édifice a été nommé en l’honneur du Jubilé de diamant de la reine du Canada de l’époque, Victoria 1re (1819-1901), reine de Grande-Bretagne et d’Irlande, impératrice des Indes, etc.
L’édifice comptait un auditorium, des ateliers de musique, une grande salle de réunions, une piscine et un gymnase au sous-sol, et… une loge maçonnique. Ultérieurement, une salle de billard et une allée de quilles furent ajoutées. Au fil des années, une école s’installa dans cet édifice, The Sunnyside School pour garçons et filles.
Le « Victoria Hall » était aussi le siège de The Westmount Amateur Athletic Association, et de The Highland Cadet Corps.
En 1918, les samedis soirs étaient très courus par les amateurs de musique, animés par The Westmount Jazz Band.
Un incendie spectaculaire détruisit le « Victoria Hall » en mars 1924.

Il y a l’actuel deuxième « Victoria Hall »…
Un deuxième édifice fut alors dessiné par le bureau d’architectes Hutchinson & Wood. Il fut construit au même emplacement et inauguré en 1925 par l’entrepreneur général Nicholson Construction Co. Cette fois l’édifice est de style Tudor, le même que celui de l’hôtel de ville.
L’édifice de trois étages est remarquable par sa grosse tour carrée sur laquelle se greffent quatre colonnes octogonales qui se terminent par un pinacle.
L’entrée principale, face à la rue Sherbrooke, est majestueuse. Au-dessus de la double porte d’entrée se remarque un imposant oriel avec sa haute fenêtre. On remarquera aussi les contreforts de la façade.
La tour centrale est le centre géométrique de l’édifice symétrique construit en pierre de grès que viennent embellir des pierres de taille.
L’inauguration du nouveau « Victoria Hall » se fit en juin 1925, en présence de Leurs Excellences le douzième gouverneur général du Canada, le général lord Byng, baron de Vimy (créé baron en 1919), accompagné de son épouse, née Marie Evelyne Moreton, qui laissera une autobiographie.
Plus tard, en 1933, un poète westmountais, Charles Benedict, écrira :
Our « People’s Palace » is a garden set,
A realized ideal in stone! Its stands
On Sherbrooke Street, with tower and parapet.
Fulfilling its most critical demands.
On y trouve une salle de concert avec une grande scène, plusieurs salles de réceptions et le « salon de la loge (maçonnique)» avec un balcon qui domine la salle de réceptions.

En 1926, on installa dans la salle de concert un orgue à tuyaux avec un buffet de chaque côté de la scène, de marque Casavant & Frères, de Saint-Hyacinthe. Pour son inauguration, le 11 novembre 1926, on fit appel au célèbre organiste québécois Lynnwood Farnam (1885-1930), une légende dans le monde international de la musique d’orgue.
Au fil des années, la salle de concert du « Victoria Hall » devint un lieu de rencontres et, de 1941 à 1950, les soirées du samedi étaient recherchées par les danseurs : y officiait en effet The Johnny Holmes Orchestra, le plus populaire des orchestres de danse des années 40. De dix musiciens il passa rapidement à vingt. La moyenne des danseurs présents à chaque soirée hebdomadaire était de 800 !
Dans les années 90, la firme d’architectes Fournier, Gersovitz, Moss et Associés fit subir à l’édifice une cure de rajeunissement, avec l’aide d’une équipe d’artisans chevronnés.

Actuellement, le « Victoria Hall » est le Centre communautaire de la ville de Westmount. Y est hébergée la Division des événements communautaires responsable de la gestion du Centre, des salles, de la galerie d’art avoisinante ainsi que de l’organisation des différents événements communautaires. Les salles sont utilisées par le Conseil municipal ainsi que pour les nombreux cours donnés dans divers domaines. Ainsi, depuis ses débuts, la salle de concert du « Victoria Hall » a été le lieu de multiples évènements : cocktails, concerts, dîners, expositions, rencontres sociales, soirées contradictoires, soirées d’information, théâtre.

mardi 12 juin 2007

Soyons fiers des armoiries de Westmount


Dois-je rappeler ici que Westmount est la première municipalité au Canada à avoir reçu des armoiries officielles ?
La demande fut faite en novembre 1944 et c’est six mois plus tard, en mai 1945, qu’elles furent octroyées par le roi d’armes Lord Lyon, à Édimbourg (Écosse) alors qu’à la même période, des villes, comme Montréal, Ottawa et Toronto – pour ne citer que celles-ci – arboraient des armoiries sans aucun statut juridique.
Il se dit que les armoiries ont d’abord été dessinées par l’architecte Percey Knobbes, et qu’elles sont dues à l’imagination du directeur de la ville, P.E. Jarman.

Description
Les armoiries de Westmount peuvent se lisent, dans le jargon des spécialistes :

« Coupé-vouté d’or sur pourpre ; au un chargé d’un demi-soleil d’argent rayonnant de gueules mouvant du chef ; au deux chargé d’une branche de rosier au naturel posée en fasce, feuillée du même, fleurie à ses deux extrémités d’une rose d’argent et, suspendu à son milieu un écusson du même à un corbeau de Saint-Antoine tenant dans son bec un morceau de pain, le tout au naturel.

Au-dessus de l’écu est posée une couronne murale à trois tours au naturel.»

Explication
Le « coupé-vouté » représente la ligne de crête de « la petite montagne », sœur cadette du mont Royal avec, à l’arrière plan, un demi-soleil qui se couche (ou qui se lève ?).

La branche de rosier avec ses deux roses rouges est l’emblème de la Vierge Marie et se rapporte à la « Municipality of Village of Notre-Dame of Grâce» (la Ville de Westmount ayant été incorporée en 1874 sous cette appellation).

Quant à l’écusson suspendu à la branche, il évoque saint Antoine (la Ville de Westmount ayant été incorporée en « Municipality of Village of Cote St. Antoine », en 1879). Saint Antoine (A.D. 250-A.D. 356), nous dit la légende, retiré dans le désert, vivant en ermite, lutta contre les forces du mal et aurait été ravitaillé en pain par des corbeaux.


Rappel
En 1908, la ville a été incorporée sous le nom de « City of Westmount ». Quant à la couronne murale elle symbolise l’autonomie de la ville.
Ces armoiries d’« or » (jaune), de « pourpre » (violet), d’« argent » (blanc), de « gueules » (rouge) et de « sinople » (vert) ne sont-elles pas un jardin planté de fleurs fort colorées ? Ces symboles héraldiques n’évoquent-ils pas de manière « parlante » l’histoire de notre arrondissement ? Ces armoiries ne méritent-elles pas de flotter de nouveau en permanence au sommet des édifices publics de l’arrondissement de Westmount – dont la mairie et Victoria Hall, et de figurer sur tout ce qui appartient publiquement à l’arrondissement ?
Ces armoiries sont les symboles qui représentent notre identité communautaire.
Il est cependant regrettable que la belle devise de ces armoiries soit trop souvent escamotée. En effet sur la banderole des armoiries on peut lire : « Robur Meum Civium Fides », c’est-à-dire : « La foi des citoyens est ma force ».
Westmount n’étant maintenant plus « autonome », peut-être faudrait modifier ou encore retrancher la couronne murale !
Mais qu’importe, pour l’instant, telles quelles apparaissent, soyons fiers de nos armoiries collectives de notre arrondissement de Westmount.
Les armoiries de Westmount ont été enregistrées officiellement auprès de l’Autorité héraldique du Canada, dans le Registre public des armoiries, drapeaux et insignes, vol. IV, p. 90, à la date du 15 février 2001, et publiées dans la Gazette du Canada, le 24 mars 2001.

Charles-Albert Chabeauty (1879-1953), ses toiles marouflées vont un jour disparaître d'un immeuble de Westmount...


Dans un vieil immeuble d’appartements de Westmount, de belles toiles marouflées disparaîtront probablement un jour des murs sur lesquels elles ont été collées il y a de cela presque quatre-vingts ans….

Lorsque l’homme d’affaires R. Smith fit construire l’immeuble d’appartements – alors fort prestigieux –, il demanda à l’artiste Charles-Albert Chabauty de peindre des scènes qui pouvaient s’intégrer dans la cage d’escalier principal de l’édifice, et lui donner un cachet très bourgeois.

Mais qui était Chabauty ?
Charles-Albert Chabauty (1879-1953) est connu au Québec comme décorateur de nombreuses églises. Né en France, il est arrivé à Montréal en 1908, après avoir fait des études aux écoles des beaux-arts de Paris et de Lyon.
Fait étrange, à Montréal, Chabauty a d’abord eu une carrière de chanteur d’opéra ! Puis, il a participé, entre autres, à la décoration du château Dufresne, dans l’est de Montréal, ainsi qu’à celle du chalet de la Montagne.
On lui doit la réalisation de plusieurs tableaux de nos églises montréalaises telle la toile qui orne l'église Sainte-Marguerite-Marie-Alacoque. Aussi les églises Saint-Vincent-Ferrier, rue Jarry, dans le nord de Montréal ; les peintures qui parent le chœur de l'église Saint-Stanislas-Koska, boulevard Saint-Joseph. Il a été qualifié de peintre « minutieux et soigné ». Il a décoré de nombreuses églises de Montréal, d’Ottawa, mais aussi de Nouvelle-Écosse, du Michigan.
Les surfaces à couvrir dans la cage d’escalier de l’immeuble d’appartements de Westmount avaient des formes polygonales assez bizarres, aux dimensions tout aussi bizarres, de plusieurs mètres carrés. L’artiste Québécois s’en est fort bien tiré et le résultat est assez remarquable.


La cage d’escalier compte six toiles :
1) Entre le rez-de-chaussée et le deuxième étage (Il n’y a pas de « premier étage »).
Le paysage est vallonné, avec, en arrière-plan, un profond vallon dans lequel coule une paisible rivière. La vue est prise du somment d’un grand escalier. Ici, sur la droite, un bouquet d’arbres ; et là, dans la partie inférieure gauche, un paon – ne faisant pas la roue. De nombreuses détériorations sont très visibles dans la partie inférieure de la peinture.
2) Entre le deuxième et le troisième étage
Un grand escalier de pierre, d’une vingtaine de marches, aux murs verticaux recouverts de végétation automnale, avec quatre statues. Au premier plan, une pièce d’eau. Là encore, des signes de détérioration sont très visibles dans la partie inférieure de la peinture.
3) Entre le troisième et le quatrième étage
Une construction châteauesque de pierre, avec un péristyle, au toit plat dissimulé par une balustrade. Avec, sur la droite, un bosquet d’arbres et, au premier plan, une pièce d’eau ornée de trois statues.
4) Entre le quatrième et le cinquième étage
Une construction châteauesque de pierre, genre le Petit Trianon de Versailles ou le château Dufresne (dans l’est de Montréal), au toit plat dissimulé par une balustrade avec, de chaque côté, un bouquet d’arbres et, au premier plan, une pièce d’eau.
5) Entre le cinquième et le sixième étage
Sur la droite, une construction de pierre, avec, sur la gauche, un bouquet d’arbres et, au premier plan, un étang.
6) Entre le sixième étage et la terrasse
Une immense falaise, sur la droite, est sommée de fortifications (genre fort de Joux, Jura, en France), avec, au premier plan, un étang et, dans la partie inférieure gauche, une vasque. La toile, tout en hauteur, est très décolorée à cause du puits de lumière situé juste au-dessus… Dommage !
Toutes ces toiles sont signées fort lisiblement : « CA (deux lettres entrelacées) Chabauty ». Bien sûr, il est difficile d’identifier quels sont les lieux géographiques qui servirent d’inspiration à l’artiste. Un visiteur avisé a cru reconnaître les jardins du château de Versailles, mais la preuve reste à faire, et ces toiles sont peut-être de simples compositions comme le témoigne la présence d’un paon sur l’une d’elles.

L’entrée principale
L’entrée principale de l’immeuble possède aussi deux autres toiles signées du même artiste. L’une représente, du pied des rapides du Richelieu, le fort de Chambly, construit en 1711. L’autre, un paysage sans doute inspiré de la région de Chambly, avec au premier plan un cours d’eau.
Les installateurs du système contre l’incendie n’ont pas hésité à percer l’une de ces deux toiles pour laisser passer un… gicleur d’eau !

Quand même regrettable !
Dommage que ces toiles marouflées (« maroufle », qui date du XVIIe siècle, veut dire
« colle forte » ) soient laissées à l’abandon et s’en aillent en petits morceaux, accrochées ici et là par un coin de meuble lors d’un déménagement un peu trop hâtif !
Dommage que les locataires ne se soucient guère de ces toiles qui ne sont peut-être pas de purs chef-d’œuvres mais qui appartiennent néanmoins au patrimoine décoratif de Westmount. Un vandale a même dessiné un x sur l’une des toiles… Un animal laisse toujours ses traces ! Un jour, on y retrouvera des graffitis…, juste pour s’amuser !
Dommage que le propriétaire actuel ne fasse rien pour protéger ces toiles, ne serait-ce que de poser une plaque de matière plastique si facile à installer et d’un coût si minime. Une blessure laissée par un morceau de toile arraché a été repeinturluré avec de la peinture commerciale…

Dommage !
Ces toiles ne sont pas de qualité muséale, m’a affirmé un spécialiste du Musée des beaux-arts de Montréal, mais elles sont des témoignages éloquents de l’œuvre de Charles-Albert Chabauty. Mais cela n’est sans doute pas une raison valable pour les laisser s’effacer !
Ainsi, un jour prochain, disparaîtra peut-être en lambeaux le patrimoine décoratif de ce bel ancien immeuble d’appartements, dans le silence et l’indifférence totale des uns et des autres – mêmes des spécialistes alarmés.
Légalement, aucun règlement municipal, m’assure-t-on à l’hôtel de ville de Westmount, ne protège l’intérieur des immeubles qui tombent sous sa juridiction.
Un jour on constatera peut-être la dégradation totale ou la disparition pure et simple de ces toiles marouflées, et qui sait, peut-être seront-elles un jour badigeonnées au lait de chaux comme ce fut le cas des fresques trop dénudées du château Dufresne, dans l’Est… Et des historiens de l’art en seront tout émus, indignés (peut-être même outrés), peut-être en pleurerons-ils des larmes crocodiles – un peu tardivement.
Il faut agir maintenant. Pas demain. Aux armes citoyens !

Hal-Ross Perrigard (1891-1960), un artiste-peintre connu et reconnu de Westmount - mais oublié !

Il y a peut-être trente-cinq ans, Mme Lucille Pemberton-Smith, propriétaire d’un bel immeuble à appartements, The Richelieu, dans Westmount, me parla avec admiration de l’un de ses anciens locataires qui était un peintre connu et reconnu : Hal-Ross Perrigard (1891-1960).
À cette époque lointaine, je n’ai pas accordé d’importance à ce nom.
Un jour, une toile de lui, accrochée dans le majestueux vestibule d’entrée de l’immeuble, a été volée presque sous les yeux de la propriétaire, et cet événement l’attrista beaucoup ! C’était, me dit-elle alors, une commande du propriétaire-constructeur de l’époque M. R. Smith dont elle était l’exécutrice testamentaire.
Il s’agissait d’un tableau d’environ 75 sur 85,5 centimètres, une huile signée et datée de 1927, représentant, d’après Mme Pemberton-Smith, l’arrivée soit de Jacques Cartier, le découvreur du Canada ; soit de Paul de Chomedey, sieur de Maisonneuve, le fondateur de Montréal. Le tout confirmé timidement de vive voix par Mme Hal-Ross Pérrigard, la veuve de l'artise-peintre.
Au premier plan du tableau se voyait une embarcation avec deux personnages importants accompagnés de trois marins. Le fond du tableau représentait une bande de terre et, au lointain, se voyaient des montagnes. On ne se trouvait pas sur un front de mer mais dans un estuaire.
Au mât le plus rapproché de l’observateur, sur la première caravelle, était accroché un drapeau impossible à identifier. Au second mât, flottait l'actuel drapeau français ! Le drapeau bleu, blanc et rouge est issu de la Révolution de 1789 ! L’erreur était plutôt amusante. Perrigard était certes un artiste-peintre connu et reconnu mais sans doute pas un historien chevronné !
La voile supérieure du premier mât était chargée d’une immense fleur de lys de couleur « azur » (bleu) et la voile du dessous était illustrée d’une croix de « gueules » (rouge) qui ressemblait à une croix de Malte (mais la croix de Malte est en réalité d’« argent » (blanc).
La voile supérieure du second mât de la deuxième caravelle était chargée d’un motif circulaire de couleur indéfinie…
L’habillement des personnages et l’architecture des caravelles évoquaient un événement historique dans le contexte de l’époque de la colonisation française.
Hal-Ross Perrigard habita fort longtemps The Richelieu, appartement 52, et ce fut sa dernière adresse résidentielle, à sa mort survenue le 23 avril 1960. Son frère, médecin, habitait le même immeuble, appartement 25.

Mais qui donc était Hal-Ross Perrigard ?
Né à Sherbrooke le 3 janvier 1891, Hal-Ross Perrigard a étudié avec William Brymmer et Maurice Cullen à The Art Association of Montréal, l’ancêtre de notre Musée des beaux-arts de Montréal mais, à vrai dire, il était plutôt considéré comme un autodidacte.
Il travailla à l’aquarelle, au crayon, à la gouache, à l’huile et au pastel et se fit connaître par de magnifiques paysages de montagnes, des villages enneigés, des natures mortes, des affiches de guerre et des bords de mer. Il peignit aussi des scènes canadiennes historiques et religieuses. On trouvait de ses murales à la gare de chemin de fer Windsor, à Montréal, mais lors d’une toute récente visite, je n’ai rien remarqué !
Hal-Ross Perrigard alla aussi poser son chevalet dans l’est du Québec, dans les Rocheuses, et dans les États du Vermont et du Massachusetts.
Mais la peinture ne nourrissait pas son homme. Hal-Ross Perrigard travailla dans les assurances, dans les journaux – au département de publicité.
Le 21 juin 1917, il épousa, à Sherbrooke, Mlle Pauline Ayer Bradley, née à Sherbrooke le 23 mars 1893 – qui continua d’habiter quelques années le même appartement de l’avenue Claremont, jusqu’à son décès survenu le 5 mai 1973.
En tant qu’artiste, Hal-Ross Perrigard exposa à l’Art Association of Montréal, société déjà mentionnée, de 1913 à 1952 ; ainsi qu’à la Royal Canadian Academy of Arts (dont il était un membre associé), de 1915 à 1952.
Plus prosaïquement, Mme Lucille Pemberton-Smith me confia que c’est lui qui dessina et peignit les magnifiques décorations composées de vasques, de guirlandes et de fleurs aux couleurs si douces que l’on retrouve toujours sur les six étages de l’immeuble The Richelieu du 418 de l’avenue Claremont. En 1987, l’ensemble de ces décorations a été restauré avec grands soins par Mme Christine Sgherri.
Hal-Ross Perrigard fit de nombreuses affiches pour la société de chemin de fer du Canadian Pacific, et bien sûr d’innombrables tableaux : « La gare Windsor » ; « Going Home » ; « La maison Saint-Gabriel en hiver » ; « Près de la rivière Saint-Francis » ; « Près de la rivière Magog » ; et de nombreuses autres encore.
L’amateur d’art retrouvera ses toiles au Musée du Québec, aux Archives nationales du Canada ainsi qu’à la Galerie nationale du Canada, à Ottawa. Ses œuvres circulent toujours chez les antiquaires et les propriétaires de galerie, et elles apparaissent régulièrement dans les catalogues de vente de la maison Empire, à Montréal.