mardi 12 juin 2007

Hal-Ross Perrigard (1891-1960), un artiste-peintre connu et reconnu de Westmount - mais oublié !

Il y a peut-être trente-cinq ans, Mme Lucille Pemberton-Smith, propriétaire d’un bel immeuble à appartements, The Richelieu, dans Westmount, me parla avec admiration de l’un de ses anciens locataires qui était un peintre connu et reconnu : Hal-Ross Perrigard (1891-1960).
À cette époque lointaine, je n’ai pas accordé d’importance à ce nom.
Un jour, une toile de lui, accrochée dans le majestueux vestibule d’entrée de l’immeuble, a été volée presque sous les yeux de la propriétaire, et cet événement l’attrista beaucoup ! C’était, me dit-elle alors, une commande du propriétaire-constructeur de l’époque M. R. Smith dont elle était l’exécutrice testamentaire.
Il s’agissait d’un tableau d’environ 75 sur 85,5 centimètres, une huile signée et datée de 1927, représentant, d’après Mme Pemberton-Smith, l’arrivée soit de Jacques Cartier, le découvreur du Canada ; soit de Paul de Chomedey, sieur de Maisonneuve, le fondateur de Montréal. Le tout confirmé timidement de vive voix par Mme Hal-Ross Pérrigard, la veuve de l'artise-peintre.
Au premier plan du tableau se voyait une embarcation avec deux personnages importants accompagnés de trois marins. Le fond du tableau représentait une bande de terre et, au lointain, se voyaient des montagnes. On ne se trouvait pas sur un front de mer mais dans un estuaire.
Au mât le plus rapproché de l’observateur, sur la première caravelle, était accroché un drapeau impossible à identifier. Au second mât, flottait l'actuel drapeau français ! Le drapeau bleu, blanc et rouge est issu de la Révolution de 1789 ! L’erreur était plutôt amusante. Perrigard était certes un artiste-peintre connu et reconnu mais sans doute pas un historien chevronné !
La voile supérieure du premier mât était chargée d’une immense fleur de lys de couleur « azur » (bleu) et la voile du dessous était illustrée d’une croix de « gueules » (rouge) qui ressemblait à une croix de Malte (mais la croix de Malte est en réalité d’« argent » (blanc).
La voile supérieure du second mât de la deuxième caravelle était chargée d’un motif circulaire de couleur indéfinie…
L’habillement des personnages et l’architecture des caravelles évoquaient un événement historique dans le contexte de l’époque de la colonisation française.
Hal-Ross Perrigard habita fort longtemps The Richelieu, appartement 52, et ce fut sa dernière adresse résidentielle, à sa mort survenue le 23 avril 1960. Son frère, médecin, habitait le même immeuble, appartement 25.

Mais qui donc était Hal-Ross Perrigard ?
Né à Sherbrooke le 3 janvier 1891, Hal-Ross Perrigard a étudié avec William Brymmer et Maurice Cullen à The Art Association of Montréal, l’ancêtre de notre Musée des beaux-arts de Montréal mais, à vrai dire, il était plutôt considéré comme un autodidacte.
Il travailla à l’aquarelle, au crayon, à la gouache, à l’huile et au pastel et se fit connaître par de magnifiques paysages de montagnes, des villages enneigés, des natures mortes, des affiches de guerre et des bords de mer. Il peignit aussi des scènes canadiennes historiques et religieuses. On trouvait de ses murales à la gare de chemin de fer Windsor, à Montréal, mais lors d’une toute récente visite, je n’ai rien remarqué !
Hal-Ross Perrigard alla aussi poser son chevalet dans l’est du Québec, dans les Rocheuses, et dans les États du Vermont et du Massachusetts.
Mais la peinture ne nourrissait pas son homme. Hal-Ross Perrigard travailla dans les assurances, dans les journaux – au département de publicité.
Le 21 juin 1917, il épousa, à Sherbrooke, Mlle Pauline Ayer Bradley, née à Sherbrooke le 23 mars 1893 – qui continua d’habiter quelques années le même appartement de l’avenue Claremont, jusqu’à son décès survenu le 5 mai 1973.
En tant qu’artiste, Hal-Ross Perrigard exposa à l’Art Association of Montréal, société déjà mentionnée, de 1913 à 1952 ; ainsi qu’à la Royal Canadian Academy of Arts (dont il était un membre associé), de 1915 à 1952.
Plus prosaïquement, Mme Lucille Pemberton-Smith me confia que c’est lui qui dessina et peignit les magnifiques décorations composées de vasques, de guirlandes et de fleurs aux couleurs si douces que l’on retrouve toujours sur les six étages de l’immeuble The Richelieu du 418 de l’avenue Claremont. En 1987, l’ensemble de ces décorations a été restauré avec grands soins par Mme Christine Sgherri.
Hal-Ross Perrigard fit de nombreuses affiches pour la société de chemin de fer du Canadian Pacific, et bien sûr d’innombrables tableaux : « La gare Windsor » ; « Going Home » ; « La maison Saint-Gabriel en hiver » ; « Près de la rivière Saint-Francis » ; « Près de la rivière Magog » ; et de nombreuses autres encore.
L’amateur d’art retrouvera ses toiles au Musée du Québec, aux Archives nationales du Canada ainsi qu’à la Galerie nationale du Canada, à Ottawa. Ses œuvres circulent toujours chez les antiquaires et les propriétaires de galerie, et elles apparaissent régulièrement dans les catalogues de vente de la maison Empire, à Montréal.

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